Nam June Paik est un artiste coréen considéré comme le fondateur de l’art video. Il est né à Seoul le 20 juillet 1932 et est décédé à Miami le 29 janvier 2006. Son génie est d’avoir compris que l’apparition de la télévision avait changé le monde.
« Marcel Duchamp a tout fait sauf la vidéo.
Il a fait une grande porte d’entrée et une toute petite porte de sortie.
Cette porte-là, c’est la vidéo.
C’est par elle que nous pouvons sortir de Marcel Duchamp. »
Nam June Paik, 1975
Les débuts
Après des études de musique et d’histoire de l’art en Corée puis au Japon en 1952 (fuyant un pays en guerre), Nam June Paik part en 1956 terminer sa formation universitaire en Allemagne. Il se spécialise en collage sonore à partir de bandes audio et disques vinyles. En 1958, il travaille auprès du compositeur Karlheinz Stockhausen (pionnier de la musique électroacoustique) au Laboratoire de Recherche du studio de musique électronique de Radio Cologne – où travaillent également les compositeurs René Köring et Mauricio Kagel. A cette époque, Nam june Paik produit ses propres concerts, expositions et « actions musicales », performances pendant lesquelles il s’attaque aux instruments de musiques (il brise, par exemple, un violon sur scène) dans le but d « éliminer la musique traditionnelle ». En 1961, il participe à la pièce musicale de Karlheinz Stockhausen, Originale, en réalisant une performance pendant que l’œuvre du compositeur allemand et ses propres montages sonores sont joués simultanément. C’est dans le cadre des représentations de la pièce Originale, que l’intéret de Nam June Paik pour le médium vidéo va augmenter.
Durant cette période, Nam June Païk côtoie l’avant-garde de l’époque (notamment Joseph Beuys, John Cage, George Maciunas, Merce Cunningham, le couple de plasticiens Christo, Jeanne-Claude, etc..) et rejoint finalement, en 1962, le groupe artistique Fluxus (issu du mouvement dada qui mélange aussi bien la musique, la performance, l’art plastique et l’écriture).
Dès le départ, l’œuvre de Nam June Paik est marqué par ces influences hétérogènes, transdisciplinaires et expérimentales.
Fluxus, c’est aller en terre vierge
La naissance de l’Art vidéo
En mars 1963, lors de l’exposition Fluxus « Music/Electronic Television », Nam June Paik présente à la galerie Parnass de Rölf Jährling à wuppertal une installation composée de 13 téléviseurs posés à même le sol dont l’image déreglée par des générateurs de fréquence ne diffuse rien d’autre que des rayures et des striures. Cette « Exposition de musique et de télévision électronique », qui fait écho à la technique du langage indéterminé et variable employé par John Cage dans ses « pianos déréglés » (dont le premier happening remonte à 1952), est considérée aujourd’hui comme la première œuvre d’art video. A cette époque, le mot vidéo, n’étant pas encore connu, c’est donc à posteriori que son acte fut reconnu comme « art video » (vers 1972-1973, quand on commence à prendre conscience des spécificité de ce medium).
Nam June Paik n’est pas le premier artiste à détourner la télévision de son usage habituel. A peu près à la même période, l’Allemand Wolff Vostell projette la vidéo expérimentale Sun in your head et le Français Jean-Christophe Averty diffuse une série d’émissions télévisuelles absurde Les Raisins verts. L’innovation qui le démarque des autres vient de ce que les œuvres de Nam June Paik sont déjà des installations, maîtrisées, produisant des images électroniques abstraites et indépendantes de la télévision.
Nam June Paik et le Portapak Sony
Au milieu des années 60, l’apparition sur le marché d’une nouvelle caméra portable, le portapak Sony, va accélérer le développement de l’art vidéo (auparavant, les caméras très lourdes ne quittaient presque jamais les studios et étaient utilisées à des fins professionnels).
La légende raconte qu’à peine entré en possession de la portapak en 1965 (il est l’un des premiers artistes à se la procurer, en raison de son prix élevé), Nam June Paik aurait sauté dans un taxi pour se rendre au « café au go go », le nom d’un lieu branché de Greenwich village où se retrouvaient tous les jeunes artistes new yorkais, et aurait filmé, vitre baissée, tout le trajet en taxi, capturant du même coup le cortège pontifical qui descendait la 5ème avenue.
Il n’existe malheureusement aucune trace de cette bande…
La première vidéo avérée et réalisée par Nam June Paik est Button happening sur laquelle on voit l’artiste coréen boutonner et déboutonner son manteau. Caractéristique de l’esprit Fluxus, cette vidéo est une sorte d’hommage à George Maciunas, pour qui n’importe quel geste peut être détourné de la boucle du quotidien si il est répété plus d’une vingtaine de fois.
La performance comme art
En plus de ses installations vidéo, Nam June Paik a également exploré la performance artistique. Il a collaboré avec des artistes de renom tels que la violoncelliste Charlotte Moorman, qu’il rencontre en 1964 et avec qui il a créé des performances provocantes et avant-gardistes. Leur œuvre la plus célèbre, « TV Cello » (1971), a vu Moorman jouer d’un violoncelle composé de téléviseurs. Cette performance a brisé les conventions de l’art classique et a élargi la portée de l’art contemporain.
L’œuvre de Nam June Paik
L’ensemble de l’œuvre de Nam June Paik se compose d’installations vidéos dans lesquels il introduit des instruments de musique et des moniteurs de télévision qu’il modifie pour les détourner de leur fonction initiale. Dans sa série « robots », il empile des postes de télévision jusqu’à leur donner une forme anthropomorphique. A la différence du cinéma, l’art vidéo consiste moins à filmer qu’à travailler la matière de l’image électronique. Nam June Paik manipule les images et les sons, en les superposant, les altérant, les étirant et les accelerant jusqu’à les rendre méconnaissables, contribuant ainsi de manière significative au développement de la vidéo expérimentale. En révélant le procédé technique de la télévision, Nam June Paik dévoile le simulacre de l’image télévisuelle et met à jour sa nature idéologique et technologique.
A la fois sculptures et mise en scene sonore et visuelle, les installations de Nam June Paik offent aux visiteurs, une experience sensorielle totale.
En 2008, deux ans après la mort de l’artiste coréen, le centre d’art Nam June Paik a ouvert ses portes dans la ville de Yongin.
Un héritage durable
L’héritage de Nam June Paik se poursuit aujourd’hui, non seulement à travers ses œuvres, mais aussi grâce à des institutions telles que la Fondation Nam June Paik, qui perpétue son travail et soutient de jeunes artistes. Ses idées sur l’art et la technologie continuent d’inspirer les générations futures d’artistes et de créateurs.
Nam June Paik était un artiste visionnaire qui a repoussé les limites de l’art contemporain en utilisant la technologie comme un moyen d’expression. Sa contribution à l’art vidéo, à la performance et à l’expérimentation artistique a laissé une empreinte indélébile sur le monde de l’art, et son influence se fait toujours sentir aujourd’hui. En tant que pionnier de l’art vidéo et de l’art technologique, Nam June Paik a ouvert la voie à une nouvelle ère de créativité et d’innovation artistique.
TV Buddha est une œuvre de June Paik Nam composée d’une statue de Bouddha contemplant sa propre image diffusée sur un écran vidéo (filmée par une caméra en circuit fermé créant ainsi une boucle infinie).
Avec sa série Buddha, Nam June Paik engage une réflexion sur le statut de la télévision en tant qu’objet de culte en occident.
La série « Buddha » a été créée dans un contexte de croissance de la conscience culturelle et spirituelle. Les années 60 et 70 ont été marquées par un intérêt croissant pour la spiritualité orientale en Occident, y compris le bouddhisme. Nam June Paik, en tant qu’artiste qui a fusionné des influences coréennes et occidentales, a contribué à l’élargissement de cette conscience culturelle en explorant les intersections entre l’Asie et l’Occident.
Family of Robots
A partir de 1986, Nam June Paik assemble des vieux téléviseurs et appareils radiophoniques dans le but de créer des sculptures d’apparence humaine qui représentent des membres d’une famille. La série « Family Robot » de Nam June Paik est une exploration poétique de la relation entre l’homme et la machine, la famille, l’identité et la communication, tout en reflétant le contexte de l’époque où elle a été créée.
Stanley Brouwn est un artiste conceptuel hollandais-surinamien.
Lorsque Nam June Paik arrive aux États-Unis en 1964, l’immense réseau autoroutier – encore récent – symbolise une certaine idée de la liberté américaine. L’œuvre Electronic Superhighway représente la sensation du jeune artiste coréen quand il arrive sur le continent américain. Les Néons évoquent les enseignes multicolores et tentatrices des motels et restaurants au bord de la route. La multitude d’images clignotantes défilent comme le paysage vu d’une voiture qui fonce à travers la nuit. La structure faite d’écrans suggèrent que le mythe de l’Amérique s’est construite sur son cinéma.
La sculpture Olympe de Gouges, qui a été installé au centre de la fresque réalisée par Raoul Dufy au musée d’art moderne de Paris, était une commande de la ville à l’occasion du bicentenaire de la Révolution de 1789.
Guillotinée à Paris le 3 novembre 1793, Marie Gouze (Olympe de Gouges) est une femme politique française considérée comme l’une des premières féministe française. Elle a notamment écrit la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ainsi que de nombreux textes pour la défense des droits civils et de l’abolition de l’esclavage.
Tadaikson
Les Jeux olympiques de Séoul en 1988 ont fourni à Nam June Paik une scène prestigieuse pour présenter son travail dont « Tadaikson » constituait la pièce centrale. Cette œuvre monumentale a été conçue pour célébrer la fusion de la culture coréenne avec les avancées technologiques et a été exposée dans le parc olympique de Séoul. Elle incarnait l’esprit des Jeux olympiques et l’union entre la tradition culturelle et la modernité.
L’installation « Tadaikson » se compose de 1003 écrans de télévision, un nombre prodigieux qui fait de cette œuvre une expérience visuelle et sonore immersive unique. Chacun de ces téléviseurs contribue à créer un paysage médiatique en constante évolution qui invite les spectateurs à réfléchir sur l’influence des médias et de la technologie dans notre société. « Tadaikson » est devenue une œuvre emblématique de l’art vidéo et de l’exploration artistique de Nam June Paik, et les 1003 téléviseurs en font une pièce majeure de son héritage artistique.