Categories

Art

Design

Photographie

Architecture

Cinema

Musique

About

Instagram

Cart / €0

Votre panier est vide.

ko 한국어 fr Français
No Result
View All Result

Votre panier est vide.

ko 한국어 fr Français
No Result
View All Result
Cahier de Seoul
No Result
View All Result

Lee Daesung, le théâtre du quotidien

by cahier de seoul
in Art, photographie

Dans les photographies de Lee Daesung, les personnages posent dans des espaces qui leur sont familiers, transformant les paysages du quotidien en scènes à la fois étranges et théâtrales. Oscillant entre réalité, mémoire et imagination, son travail se déploie progressivement à travers la mise en scène, le symbole et le récit. Abordant des enjeux sociaux tout en capturant des émotions profondément personnelles, son regard invite le spectateur à redécouvrir une réalité pourtant familière.

Dans ses séries emblématiques — Futuristic Archaeology, Nirvana et On the Shore of a Vanishing Island — l’artiste explore, avec humour ou délicatesse, les relations entre l’humain et son environnement, entre les générations et les identités. Au-delà du simple enregistrement du réel, il compose des images complexes où se mêlent observation lucide et réminiscence chaleureuse. L’œuvre de Lee Daesung devient ainsi une scène où coexistent distance critique et poésie, une écriture visuelle intime et singulière.

Nirvana © Daesung Lee

 

Daesung Lee vit et travaille entre Paris et Séoul. Lauréat de nombreux prix internationaux (Sony World Photography Awards, Prix Voies-Off, Bourse du Talent, Prix Pictet), il a exposé son travail à la Galerie Écho 119 à Paris, au Musée du Quai Branly, au Centre culturel coréen de Budapest, ainsi qu’à l’étranger, de Buenos Aires à Milan et Séoul. Ses photographies, largement publiées dans la presse internationale (Le Monde, The Guardian, Die Zeit, Marie Claire…), prolongent une réflexion sur la mémoire et la transformation du monde contemporain. Entretien.

Comment avez-vous commencé la photographie ?

Pour être honnête, il n’y a pas eu de raison particulière. Cela peut paraître étrange, mais je crois que chacun vit un jour un moment qu’il ne comprend pas vraiment, mais qu’il ressent de manière instinctive. Ce n’était pas un simple désir de “faire quelque chose”, mais plutôt une certitude soudaine : « C’est ça que je vais faire désormais. »
Je me souviens que c’était au printemps 1985. J’étais au zoo avec mes parents, et mon père m’a tendu l’appareil pour que je prenne une photo de lui et de ma mère. À cet instant, j’ai ressenti quelque chose de fort, sans pouvoir l’expliquer.
Après cela, j’ai commencé à emporter partout le petit appareil automatique que nous avions à la maison, qu’il y ait une pellicule ou non. Parfois, par ignorance, j’ouvrais même le boîtier alors qu’un film était déjà chargé. Ce qui m’étonne encore aujourd’hui, c’est qu’à l’époque, je ne doutais jamais de ce que je faisais. Les doutes sont apparus plus tard, paradoxalement, quand j’ai commencé à étudier la photographie à l’université.

D’où vient généralement l’inspiration pour vos projets ?

Depuis mes vingt ans, j’ai toujours été sensible aux questions sociales. C’est d’ailleurs par la photographie documentaire que j’ai commencé. Mais je n’ai jamais travaillé sur un seul thème de façon continue ; mes sujets évoluent selon les contextes.
Au départ, je m’intéressais aux questions environnementales, puis au changement climatique. Après la crise migratoire en Europe, mon attention s’est naturellement tournée vers les conflits ethniques et religieux, ce qui m’a amené à m’intéresser à la guerre de Yougoslavie — un sujet sur lequel je réfléchis encore aujourd’hui.
Entre-temps, j’ai entamé un projet sur ma mère, qui m’a conduit à évoquer la vie des femmes coréennes de sa génération.

Vos œuvres conservent souvent une dimension documentaire. Y a-t-il des artistes ou des courants qui ont influencé votre approche ?

Au début, j’étais attiré par la photographie documentaire classique. Mais avec le temps, j’ai ressenti ses limites : une forme rigide, souvent marquée par une vision occidentalo-centrée. Je me suis demandé si ce langage racontait vraiment la réalité, et pourquoi je devais en reproduire les codes.
C’est à ce moment-là que j’ai voulu raconter les choses à ma manière. Par chance, beaucoup de photographes à travers le monde se posaient les mêmes questions ; le documentaire était en pleine mutation.
J’ai donc commencé à travailler avec des mises en scène et des dispositifs visuels construits, pour dépasser la simple observation. Paradoxalement, ce sont des artistes comme René Magritte ou Sandy Skoglund, qui créent des mondes surréels à travers des décors artificiels, qui m’ont le plus inspiré.

Comment est née la série Nirvana ?

Je venais de terminer un projet sur la guerre de Bosnie quand j’ai appris la mort soudaine d’un ami proche. J’étais alors à Sarajevo, dans un état de grande fatigue morale ; travailler sur la guerre m’avait profondément ébranlé et fait douter de l’humanité. Cette nouvelle a tout bouleversé.
Pendant un temps, j’ai beaucoup réfléchi à la mort, à notre condition d’êtres éphémères, nés pour disparaître, vivant une existence minuscule à l’échelle de l’univers. Et puis j’ai soudain pensé qu’il ne me restait peut-être pas beaucoup de temps à passer avec mes parents.
J’ai donc décidé de rentrer en Corée pour quelques mois, avec l’envie de raconter quelque chose de plus intime, de plus personnel. C’est ainsi qu’est née Nirvana, à partir du désir de parler de la sensibilité et de l’identité de la terre où je suis né et où j’ai grandi.
Je me suis rendu compte que je savais en réalité très peu de choses sur la vie de ma mère. Un jour, sans réfléchir, je lui ai demandé :
« Si vous pouviez renaître, quelle vie aimeriez-vous mener ? »
Elle m’a répondu : « Je ne voudrais plus jamais renaître. »

Cette phrase m’a bouleversé.
Elle disait tout du poids silencieux porté par les femmes de sa génération : le devoir imposé, la violence domestique, la discrimination ordinaire. J’ai alors voulu raconter leur histoire, mais aussi retrouver visuellement la sensibilité de la Corée de mon enfance.
Je ne voulais pas que ce soit une œuvre sombre ou triste. J’ai préféré transformer cette mémoire en quelque chose de lumineux, presque kitsch, plein d’humour et de distance, à l’image de cette Corée moderne, à la fois naïve et sincère, que j’ai connue.
Ce qui paraissait autrefois démodé ou embarrassant — ces couleurs, ces objets, cette esthétique populaire — fait pourtant partie intégrante de notre identité. J’ai voulu la montrer sans réserve, comme une forme de fierté culturelle, une mémoire vivante de notre modernité.

Futuristic-Archaeology © Daesung Lee

 

Comment avez-vous commencé la série Futuristic Archaeology ?

C’est mon deuxième projet consacré au changement climatique. Il traite de la désertification en Mongolie, et je crois qu’il a commencé en 2013.
Cette année-là, le Musée du Quai Branly à Paris présentait une exposition intitulée Human Zoo, sur l’histoire des « zoos humains » à l’époque coloniale, lorsque des habitants des colonies étaient exhibés lors des expositions universelles. Ce qui m’a le plus frappé, au-delà de la cruauté de ces pratiques, c’est une profonde ironie : aujourd’hui, ce même musée conserve de nombreux artefacts et vestiges des cultures colonisées, alors que ces cultures, sur leurs propres terres, ont souvent été détruites par ceux-là mêmes qui en conservent les traces.
Cette ironie du « musée du destructeur » m’a beaucoup marqué. Et j’ai vu un parallèle avec la situation actuelle en Mongolie, où la désertification menace de faire disparaître la culture nomade traditionnelle. Je me suis demandé : et si, dans un futur proche, cette culture n’existait plus que dans un musée ? Conservée comme un souvenir figé, par ceux-là mêmes qui en auront provoqué la disparition.
C’est ainsi qu’est née l’idée de représenter ce « musée du futur » : j’ai voulu mettre en scène de véritables nomades et leurs animaux comme des objets d’exposition, pour évoquer cette ironie. Un peu comme un zoo humain inversé.
Pour ce projet, j’ai collaboré avec une ONG coréenne basée en Mongolie, Blue Asia (푸른아시아). Leur action consiste à regrouper d’anciens nomades pour leur offrir un salaire en échange de la plantation d’arbres. C’est une initiative positive, bien sûr, mais je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir une situation profondément ironique : des nomades sédentarisés pour réparer, à leur manière, les conséquences de la modernisation.
J’ai ensuite conçu le dispositif visuel du projet. J’ai installé d’immenses panneaux dans les zones touchées par la désertification — environ 3 mètres sur 5, pesant près de 150 kilos — sur lesquels j’avais imprimé de grandes images photographiées ailleurs.
En alignant les horizons réels et imprimés, je voulais créer des scènes où deux espaces-temps se superposent, comme un dialogue entre présent et futur. Chaque décor mettait en scène une petite situation ironique, parfois teintée d’humour, pour accentuer cette impression de paradoxe.
La Mongolie est un plateau d’environ 1 500 mètres d’altitude, où les hivers atteignent –40 °C et les étés 35 °C. La steppe verte n’y subsiste qu’environ trois mois par an.
J’ai donc travaillé sur deux années : la première pour repérer les lieux et observer, la seconde pour le tournage et la mise en scène. Ce fut un travail physiquement éprouvant, mais grâce à l’aide dévouée des habitants et de l’équipe de Blue Asia, le projet a pu être mené à bien.

Dans votre travail, la lumière, la narration, l’émotion et la composition sont très présentes.
Y a-t-il un de ces éléments que vous considérez comme essentiel ?

Ce que j’ai remarqué, c’est que mon style change à chaque projet. Je n’essaie pas de me concentrer sur un seul aspect, mais plutôt de trouver, pour chaque sujet, la manière la plus juste de l’exprimer — qu’elle soit visuelle ou narrative. C’est sans doute pour cela que je n’ai pas de style unique et reconnaissable.
Ces derniers temps, je suis devenu particulièrement sensible à la couleur. Et je pense que cette évolution vient de mon séjour en France. Inconsciemment, j’essaie d’intégrer la couleur et son agencement comme des éléments de langage au cœur même du récit visuel.
Je me rends aussi compte que je préfère les images imparfaites, un peu brutes, à celles qui sont trop propres ou trop élégantes. J’aime quand une image dégage quelque chose d’humain, de vivant, même un peu désordonné.
J’appelle cela, avec humour, des images “kkuri-kkuri” — un mot coréen familier qui évoque quelque chose de légèrement trouble, comme l’odeur d’un poisson fermenté qui, malgré sa rudesse, a un goût irrésistible.

Pour finir, comment définiriez-vous la ville de Séoul ?
Y a-t-il un lieu ou un souvenir particulier qui vous y rattache ?

Au début, j’ai toujours perçu Séoul comme une ville d’étrangers. Beaucoup de gens y viennent des provinces pour étudier ou travailler. Étant moi-même originaire de Busan, j’ai ressenti cette étrangeté dès mes années d’études : me perdre dans le métro, chercher ma route à la sortie des stations…
Je me souviens des petits refuges où je trouvais du réconfort dans cette grande ville : un coin d’ombre sous un vieil arbre à Insadong, ou ces vieux restaurants de Chungmuro où, en attendant que mes pellicules soient développées, je buvais un verre de soju avec mes camarades de fac.
Ces lieux modestes, un peu « kkuri-kkuri » justement — imprégnés d’alcool bon marché et d’humanité — me semblaient chaleureux et familiers.
Aujourd’hui, quand je retourne à Séoul depuis Paris, je vais parfois revoir ces endroits, presque par réflexe. Et je suis toujours étonné de voir que certains existent encore, inchangés après vingt-sept ans. Cela rend la ville plus douce à mes yeux, même si, après quinze ans passés à l’étranger, elle m’apparaît désormais à la fois familière et étrangère.
Peut-être que, pour moi, Séoul restera toujours une ville d’éternels étrangers.

Découvrez notre magazine sur les créateurs coréens

Commandez notre magazine

Related Posts

architecture

Les motifs urbains de Yong Joon Choi

...

Mother, Rala Choi
Art

Rala Choi

...

Art

Les structures en soie de Jung Hyunjee

...

bain public seoul
photographie

Les bains publics de Seoul

...

Pyokisik - montagne - photographe coréen
photographie

Les paysages éphémères de Pyo Kisik

...

haenyo - plongeuses de jeju - corée
photographie

Les plongeuses de l’ile de Jéju – Hyung S. Kim

...

A PROPOS

Cahier de Seoul est un magazine sur la culture coréenne qui présente sous forme d’interviews, d’articles et de vidéos, des artistes, des designers, des lieux, etc…

Lire la suite

ABOUT

까이에 드 서울은 프랑스어로 ‘서울노트’를 의미합니다. 높은 빌딩, 달동네의 좁은 골목 - 그 길들을 가득채운 벽돌집들, 아파트, 미로같은 시장, 오래된 돌담길. 문화, 장소, 작가들의 이야기를 담은 한권의 노트.


Read more

Category

  • Art
  • design
  • photographie
  • architecture
  • Cuisine
  • Musique
  • Cinema

–

Histoire de Séoul / Histoire de l'art coréen / Cuisine coréenne / Culture coréenne / Seoul / Les quartiers de Séoul / Architecture coréenne / La sculpture en Corée du Sud / Hallyu / Plan du site

© 2023 Cahier de Seoul - contact@cahierdeseoul.com

  • Art
  • Design
  • Photographie
  • Architecture
  • Musique
  • Cinema
  • A PROPOS
  • SHOP
  • frFrançais
    • ko 한국어
    • fr Français

© 2023 Cahier de Seoul - contact@cahierdeseoul.com