Ma première rencontre avec l’œuvre de l’artiste coréenne Ahn Sun Mi eut lieu dans le métro. J’étais assis dans un wagon de la ligne 2 quand mon regard puis mon esprit furent happés par la couverture d’un roman qu’un homme lisait en face de moi. La couverture montrait le visage d’une femme sur lequel se superposait un paysage. L’image était doublement réussie : elle entremêlait à la fois le portrait et l’ame, tout en invitant le spectateur (moi) à la contemplation. Le roman s’appelait Dialogue avec un vieil arbre géant et était écrit par un écrivain coréen du nom de YI CH’ONGJUN.
Ahn Sun Mi est née en 1982 à Busan. Après avoir suivie des études de photographie en Corée du Sud, elle est venue étudier les arts plastiques à l’école des Beaux-Arts de Paris. Elle a accepté de répondre à nos questions.
Interview
Cahier de Seoul : Pouvez-vous nous présenter votre travail ?
Ahn Sun Mi : Mes photographies sont des autoportraits surréalistes qui s’inscrivent dans l’univers de « l’entre deux ». Comme par exemple la frontière entre le monde adulte et celui de l’enfance, entre la réalité et le rêve.
Je me retrouve perdu « entre ».
Pouvez-vous décrire votre processus de création ?
Je travaille souvent chez moi en Corée. Dans mon appartement, j’ai installé un petit atelier.
Je choisis d’abord un thème puis je prends en photo des objets, des paysages, des végétaux. Ensuite, je me photographie et le travail de collage peut commencer.
De quelle manière a évolué votre travail jusqu’à maintenant.
Avant je prenais beaucoup de photos de paysage ou de portrait. J’ai aussi travaillé, pendant un moment, sur le rapport entre la vidéo et la photographie : je faisais des vidéos de moi-même que je photographiais ensuite. Mais mon obsession pour le thème de l’« entre deux » est venue plus tard.
J’ai vraiment commencé à travailler sur ce thème quand je suis venue étudier en France. Comme je venais d’un autre pays, je me sentais étrangère : au milieu des gens qui ne me ressemblaient pas, j’avais constamment l’impression d’être en dehors des choses, de flotter dans l’air. Mais cette sensation, finalement venait de moi, de la distance entre mon apparence et mon intérieur. Ainsi j’ai commencé à travailler sur ce sujet depuis 2006. Ce thème, depuis, n’est pas changé mais j’essaye de changer le mode de représentation et les détails petit à petit.
Pourquoi avez-vous décidé de venir en France ?
Paris était pour moi une ville de rêve, un centre artistique. Au départ, je m’intéressais plus à la photographie de mode qu’à l’art pur. Alors pour acquérir une base artistique, j’ai choisi de venir en France pour étudier. Naturellement je me suis orientée vers la photographie.
Ou trouvez vous votre inspiration ?
Je m’inspire souvent de la musique, du cinéma, de la littérature, de la nature… Les enfants aussi m’inspirent. Je me reflète beaucoup dans le monde de l’enfance.
Quel est votre film et roman préféré ?
J’aime bien le cinéma fantastique et particulièrement les films de sciences fiction qui se déroulent dans le passé. Mais je préfère les animations aux films. Quand on me demande quel est mon film préféré, je réponds « le voyage de Chihiro ».
Pour la littérature, j’ai une préférence pour les poèmes. J’aime bien les poètes Go-Eun et Jeong Hyun-jong. Je lis aussi les livres sur l’art et la philosophie.
Pouvez vous nous expliquer comment votre photo a été utilisée pour la couverture du livre de YI CH’ONGJUN?
Un jour, la galerie qui me représente m’a contact car le responsable des couvertures de l’édition Actes Sud avait vu une de mes photos et il souhaitait l’utiliser comme couverture. Cela m’a vraiment fait plaisir quand j’ai appris que c’était pour le roman de l’écrivain YI CH’ONGJUN. Par la suite, deux autres de mes photos ont également été employés, mais pour des romans japonais cette fois ci (Seins et œufs de Mieko Kawamaki et Un café Maison de Keigo Higashino).
Dans votre travail, vous utilisez souvent le motif de la nature, y a t’il une raison spécifique à cela ?
J’ai grandi dans la ville de Busan. La nature représente pour moi un confort… comme les gens qui habitent dans la ville rêvent de la nature.
Avez-vous des projets en Corée ?
J’aimerais bien travailler en Corée, mais plus tard. Comme je suis encore jeune, je voudrais d’abord multiplier mes expériences en Europe ou aux Etats-Unis.
Dans un article, j’ai lu que Richard Berry et Charles Gassot ont aimé votre travail, pouvez-vous en parler ?
J’ai rencontré Richard Berry, le réalisateur-acteur, lors d’une vente aux enchères. C’était une soirée ou les artistes donnent leur travail en échange de don reversé à des associations. Depuis on garde contacte et il est devenu le premier partenaire de ma première exposition privée.
Le réalisateur-producteur Charles Gassot a acheté une de mes photographies lors de cette exposition. Il m’a ensuite invité à participer à l’opération caritative « 100 briques pour Madagascar » organisée par « Ecole du monde » et dont il est à l’initiative. J’étais donc une des 100 artistes invités, et j’ai pu faire don d’une des mes photographies au profit de l’association.
@ cahier de Seoul
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