Une averse
Selon le proverbe français, après la pluie le beau temps, mais l’averse éponyme qui traverse le recueil de l’écrivain coréen Kim Yu-Jong semble ne jamais finir.
À travers neuf courts récits, Kim Yu-Jong brosse le portrait du monde rural coréen du début du XXe Siècle. Il dépeint les conditions de vie difficiles des paysans de cette époque souvent criblés de dettes et victimes des inégalités sociales aggravées alors par l’occupation japonaise.
Tour à tour burlesques, comiques et scabreuses, les nouvelles mettent en scène le quotidien des habitants de petits villages isolés qui tentent de survivre et de sortir de la pauvreté par n’importe quel moyen – souvent aux dépens des autres. Dans le récit « Automne », un homme n’hésite pas à vendre sa femme contre un peu d’argent tandis que dans « C’est le printemps », un père utilise sa fille comme appât pour faire travailler des hommes gratuitement. Les vies que Kim Yu-Jong décrit ne valent pas grand-chose, quelques wons tout au plus que les hommes se dépêchent d’aller noyer dans l’alcool et les jeux pour fuir leur quotidien avant de rentrer chez eux les poches vides. Si les hommes de ces récits sont pour la plupart grossiers, violents et sans scrupules, les femmes quant à elles, apparaissent sous plusieurs facettes, tantôt victimes, tantôt manipulatrices. Souvent souffre-douleur de leur mari qui les délaissent et les battent sans raison, ce sont elles qui subviennent aux besoins de leur famille et n’hésitent pas à voler, mentir et se prostituer pour payer les dettes de leur mari.
Peu de place pour l’amour et la tendresse donc dans ces récits. Pourtant les descriptions toujours pleines d’humour des personnages, le déroulement des intrigues savamment orchestré et l’écriture poétique de l’auteur nous offrent un tableau cru et coloré de la Corée traditionnelle et un témoignage sans complaisance de la vie difficile des paysans de cette époque.
Les mœurs que l’auteur décrit, les personnages dont il parle, il les connaît bien. Né en 1908 dans une famille aisée de la province de Gangwon, Kim Yu Jong devient orphelin assez tôt et abandonne ses études. Menant alors une vie de vagabond, il côtoie le monde rural, les paysans, les prostituées, les marchandes d’alcool ambulantes avant de mourir de tuberculose en 1937 à l’âge de 29 ans. La trentaine de nouvelles qu’il écrit durant sa jeune vie sont aujourd’hui des classiques de la littérature coréenne.
@ cahier de seoul