Magazine coréen indépendant, Blink présente tous les mois le travail photographique d’artistes contemporains. Malgré son jeune âge, le magazine fondé en 2010 par Kim Aram, est déjà une référence dans le monde de la presse alternative coréenne.
À mi-chemin entre le livre d’art et le magazine-objet, Blink s’adresse avant tout aux amoureux des beaux livres. Quand vous l’ouvrez et tournez les pages, la texture et l’épaisseur du papier vous transmettent une subtile sensation de raffinement. Le recto et le verso du magazine bénéficient chacun d’une couverture de qualité, rendant le magazine lisible aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche.
Difficile de distinguer Blink de sa fondatrice Kim Aram, présente sur tout les fronts, de l’origine du projet jusqu’au tirage final en passant par la réalisation graphique. Ancienne éditrice pour un important magazine de photographie contemporaine, Kim Aram a créé (seule) Blink dans le but de présenter le travail photographique d’artistes, de préférence peu connus, de son choix. Son magazine est le mélange réussi entre l’audace d’un magazine indépendant, le sérieux du travail professionnel et la curiosité du passionné.
Quand elle était éditrice, Kim Aram écumait les galeries de photographie. Malgré les avantageux CV des artistes et les exergues écrits par des critiques d’art, les œuvres elles-mêmes lui paraissaient ennuyeuses et dépassées. Du coup un doute surgit dans sa tête : pourquoi a-t-on besoin de ce genre d’artifice pour apprécier une photographie ? ne peut-on pas la juger de manière autonome ?
« Si vous cherchez des photographes réputés, la plupart des artistes présentés dans Blink sont lauréats de grands concours photographiques. Mais je ne le précise pas dans le magazine. Pourquoi devrait-on indiquer l’université qu’ils ont faite, les prix qu’ils ont gagnés. Je pense que cela peut déranger quand on apprécie ‘vraiment’ une photo. »
Femme forte, au caractère franc et authentique, Kim Aram conserve sa passion intacte. Nous l’avons interviewé au sujet du magazine Blink.
Interview de Kim Aram
Cahier de Seoul : Comment choisissez-vous les photographes que vous présentez dans votre magazine ?
Kim Aram : Je les choisis en me basant sur leurs portfolios. Certains photographes me contactent, mais j’essaye de me limiter aux artistes que je découvre moi même. Comme mon réseau s’est agrandi, il y a même des galeries qui m’envoient des catalogues ou des livres. Mais en principe, je les découvre sur Internet. Je n’aime pas trop les photographes trop bavards, qui parlent plus qu’ils ne montrent leurs photos. Mais si l’image est bonne et le texte aussi, pourquoi pas.
Vous intéressez-vous aussi aux autres magazines indépendants ?
Kim Aram : Oui. De plus en plus de librairies et de lieu d’expositions présentent les magazines indépendants. J’y passe souvent pour discuter avec les propriétaires des lieux. Ca fait partie de mon métier d’éditrice. Chaque année, ‘sangsangmadang’ organise l’exposition « ABOUT BOOKS », dans le quartier de Hongdae à Seoul, qui a pour but de promouvoir les éditions. J’ai crée Blink l’année dernière, donc j’y participe. Je monte un stand et je rencontre les lecteurs. Cette année, l’expo est organisée au même endroit pendant les mois de juillet et août.
Certains photographes ont-ils refusé de publier leurs œuvres dans votre magazine ?
Kim Aram : Heureusement jamais. Mais certains ont beaucoup hésité.
Que pensez vous des magazines numériques accessibles sur tablette numérique ou téléphone ?
Kim Aram : Depuis quelques jours, j’ai lancé un Magazine numérique pour iPad qui s’appelle BLINK RGB. Le contenu de ce magazine diffère du magazine papier. La couleur est également différente. Je me suis fait aider par un développeur.
Comment différenciez-vous le magazine numérique de la version papier ?
Kim Aram : Le magazine Blink en papier est une édition limitée (1000 exemplaires) et j’ai des lecteurs abonnés. Ils payent pour acheter Blink. Le e-magazine est distribué gratuitement. Je ne veux pas gagner de l’argent avec. Le contenu est donc différent par respect pour les lecteurs payants. Je dois bien distinguer les deux.
La plupart des photographes présentés dans Blink sont étrangers. Que pensez-vous des photographes coréens ?
Kim Aram : La nationalité n’a pas d’importance et ne rentre pas dans mes critères de choix. Je ne présente pas beaucoup de photographes coréens, car d’abord, il y’en a peu qui prennent de bonnes photos. Et ceux qui sont bons sont déjà célèbres. Par exemple le photographe Lee Myung Ho. Je l’ai rencontré dans une galerie à l’étranger. Il est d’ailleurs abonné à Blink. Ses photos sont vraiment de qualité, mais il est déjà célèbre. Je pense que ce n’est pas nécessaire de présenter les photographes déjà connus. Je voudrais trouver un photographe coréen qui prenne des photos excellentes et le promouvoir à l’étranger à travers Blink.
Votre magazine est-il distribué aussi en Europe et aux États-Unis ?
Kim Aram : Pas encore. Je suis en train de chercher, mais la commission pour les librairies est trop élevée. Je suis en train d’établir une liste potentielle de librairie à qui envoyer mon magazine. Même si je ne le vends pas pour l’instant en Europe, je voudrais pouvoir le présenter. Mais pour l’instant je n’ai pas vraiment trouvé l’endroit qui corresponde et qui me plaît. Les lecteurs étrangers commandent Blink par internet. Blink est un très beau livre. Je fais beaucoup attention à la qualité, mais malheureusement elle n’est pas perceptible à travers les photos et le vidéo. C’est aussi pour ça que je voudrais vraiment trouver les endroits où je peux présenter Blink.
Qui s’occupe du design du magazine Blink ?
Kim Aram : Moi. Je fais tout toute seule. Même le design du code barre. Aussi bien la mise en page, la livraison, que les envois postaux. Il n’y a que moi de toute façon. Maintenant c’est vraiment dur de travailler toute seule donc ma sœur m’aide comme assistante avec son mari, même si pour l’instant je ne peux pas beaucoup les payer. Quand je pars en voyage d’affaires, elle me remplace, je lui en suis reconnaissante.
Voyage d’affaires ? Pour rencontrer les photographes ?
Kim Aram : Pour l’instant je ne peux pas aller en Europe ou aux États-Unis. Quand je dis partir en voyage d’affaires, je pars me reposer. Je travaille tout le temps. Alors les gens me demandent après le voyage si je me suis bien amusée. Mais ce n’est pas uniquement pour m’amuser, car je ne peux pas travailler si je ne me repose pas. C’est une sorte de prolongement du travail. Je pense que c’est important le repos.
Quel magazine lisez-vous ?
Kim Aram : Vice et Playboy. Parmi les magazines coréens, j’aime bien « trans trand magazine » publié par Hana bank. Je pense que seuls les magazines qui ne sont pas obsédés par le succès commercial peuvent conserver leur caractère propre. Les éditeurs obsédés par l’argent, finalement, produisent tous la même chose. Je n’aime pas ce genre de magazine. Je déteste les magazines de licence qui sont entrés en Corée et je n’aime pas non plus les lecteurs qui ne lisent que ce genre de magazine.
Que pensez-vous de Séoul ?
Kim Aram : C’est ennuyeux.
Pourquoi ?
Kim Aram : En Corée, il manque encore le sens esthétique. Tout le monde s’habille de la même manière avec le même visage en faisant semblant d’être tous différents. J’aime bien l’endroit où j’habite. C’est près de Seoul mais c’est resté naturel, il n’y a pas de building, le gens sont encore naïfs.
Prenez-vous photos ?
Kim Aram : Oui bien sûr. Parfois, c’est une obsession. Mais quand je pars en voyage, je ne prends pas beaucoup de photos. Je pense que les photos sont souvent artificielles alors j’essaye plutôt de regarder avec mes yeux et mon cœur. Je photographie des objets banals que je vois dans la rue.
@ cahier de Seoul
Le site web : BLINK