Séoul, la capitale de la Corée du Sud, est bien plus qu’une métropole moderne. Elle est le témoin vivant d’une histoire millénaire qui s’étend sur plus de deux mille ans. Située dans la région nord-ouest de la Corée du Sud, Séoul occupe une place prépondérante dans le développement politique, culturel et économique du pays.
L’histoire de Séoul est une saga riche et complexe, marquée par des périodes de prospérité, de conflits et de transformations profondes. De son statut de capitale de l’ancien royaume de Baekje à son rôle actuel de mégapole mondiale, Séoul a connu des siècles d’évolution constante qui ont façonné sa culture, son architecture et son caractère.
Histoire de Seoul
La période des Trois Royaumes (57 av. J.-C. – 668 ap. J.-C.)
Les premières traces de la ville de Séoul remontent à plus de 2 000 ans, lorsque la Corée était divisée en 3 royaumes : Baekje à l’ouest, Silla à l’est et Goguryeo au nord. La période a été marquée par des luttes de pouvoir constantes et de nombreux affrontements entre les 3 royaumes.
Au milieu de ce contexte, la ville de Wiryeseong a été fondée en 18 av. J.-C. par le roi Jumong de Goguryeo et fut la capitale du royaume de Baekje jusqu’en 475 après J.C. Installée stratégiquement sur les rives du fleuve Han, Wiryeseong était située à l’emplacement actuel de Séoul et était entourée de murailles pour se défendre contre les invasions qui faisait rage à cette époque. Cette fondation marque les premiers pas de Séoul en tant que ville historique.
Période de Goryeo (918 – 1392)
En 918, après une période d’instabilité et de guerre interne, la fondation de la dynastie Goryeo marque l’unification de la péninsule. S’ensuit 2 siècles de paix et de prospérité, puis à partir du XIIe siècle, les invasions mongoles commencent à ravager l’intérieur du pays tandis qu’au même moment, les côtes coréennes subissent les pillages répétés des pirates japonais. Durant cette période, Seoul n’est pas encore la capitale de la Corée et change une première fois de nom, passant de Wiryeseong à Namgyeong.
La dynastie Joseon - 5 siècles d'isolement
(1392-1910)
Roi Taejo
Le général coréen Yi Seong-gye, également connu sous le nom de Roi Taejo de la dynastie Joseon, est une figure emblématique de l’histoire de la Corée. Né le 27 novembre 1335, Yi Seong-gye a joué un rôle majeur dans la fondation de la dynastie Joseon en 1392, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère dans l’histoire de la péninsule coréenne.
Yi Seong-gye a acquis sa renommée en tant que brillant commandant militaire pendant la fin de la dynastie Goryeo, une période marquée par la division et la faiblesse de la Corée. L’effondrement de la dynastie Goryeo et les luttes internes entre les seigneurs de guerre ont conduit Yi Seong-gye à prendre des mesures audacieuses pour unifier le pays. En 1392, il a mené un coup d’État militaire connu sous le nom de « changement de pouvoir de Goryeo à Joseon » et a fondé la dynastie Joseon, devenant ainsi le premier roi de la nouvelle dynastie, Roi Taejo.
Sous le règne de Roi Taejo, la dynastie Joseon a apporté de nombreuses réformes qui ont transformé la société coréenne. Il a établi un gouvernement centralisé, promulgué de nouvelles lois et adopté un système de classement des fonctionnaires basé sur le mérite, connu sous le nom de « Gwageo ». Cette réforme a mis fin au système de népotisme prévalent à l’époque et a encouragé la sélection des fonctionnaires en fonction de leurs compétences et de leurs connaissances.
Roi Taejo était également un fervent partisan du néo-confucianisme, une philosophie qui a influencé la politique, la culture et la société coréennes pendant de nombreuses générations. Il a favorisé l’éducation et la propagation des enseignements confucéens, ce qui a eu un impact durable sur la pensée et la moralité coréennes.
Sous sa direction, la Corée a connu une période de paix et de prospérité relative, renforçant ainsi sa position en tant que nation influente en Asie de l’Est. Succédant à la dynastie Goryeo, la dynastie Joseon, établie par Yi Seong-gye, a duré plus de 500 ans, jusqu’à sa chute en 1910 lorsque la Corée est devenue une colonie de l’Empire japonais.
Séoul : une ville aux noms changeants
La ville de Séoul a porté plusieurs noms au cours de son histoire mouvementée. Chacun de ces noms est lié à une époque particulière de l’histoire coréenne et reflète les évolutions politiques, culturelles et sociales de la région.
Wiryeseong
18 av. J.-C. – 3e siècle. Le premier nom attribué à la région qui deviendrait plus tard Séoul était Wiryeseong. Cette ville a été fondée en 18 av. J.-C. par le roi Jumong de Goguryeo. Wiryeseong était située dans la partie nord-ouest de l’emplacement actuel de Séoul et a servi de capitale du royaume de Goguryeo pendant un certain temps.
Hanseong
4e siècle – 1392. Lorsque le royaume de Baekje a conquis la région au début du 4e siècle, la ville a été renommée Hanseong. Sous le règne du roi Onjo, Hanseong est devenue la capitale de Baekje et a prospéré en tant que centre politique, culturel et économique. Cette période a été marquée par des avancées culturelles significatives.
Hanyang
1392 – 1910. Avec l’avènement de la dynastie Joseon en 1392, la ville a été renommée Hanyang. Elle est devenue la capitale de Joseon, la dernière dynastie royale de la Corée. Hanyang était située dans la partie nord de l’emplacement actuel de Séoul. La ville a été conçue selon les principes de l’urbanisme traditionnel coréen, avec des palais, des marchés, des temples et des quartiers résidentiels.
Gyeongseong
1910 – 1945. Pendant la période de l’occupation japonaise, la ville a été rebaptisée Gyeongseong. C’était une tentative de la part des autorités coloniales japonaises d’effacer l’identité coréenne de la ville. Cependant, après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la libération de la Corée, le nom a été rapidement abandonné.
Séoul
Depuis 1945. Après la Seconde Guerre mondiale et la fin de l’occupation japonaise, la ville a retrouvé son nom d’origine, Séoul. Ce nom est resté inchangé depuis lors et est devenu synonyme de la capitale dynamique de la Corée du Sud que nous connaissons aujourd’hui.
Seoul
En 1394, Taejo désigne la ville de Seoul (qui devient Hanseong) comme nouvelle capitale de la Dynastie, remplaçant ainsi Gaegyeong (située dans l’actuelle Corée du nord), l’ancienne capitale de Goryeo.
Ce choix s’explique par 2 raisons. La première géographique. Située au centre de la péninsule coréenne, Séoul est un point stratégique pour les échanges commerciaux et la gestion de tout le pays. La deuxième raison est spirituelle. Selon les principes de la géomancie coréenne (pungsu) – qui recherche l’harmonie entre la vie humaine, l’ordre de la montagne et de l’eau – Séoul est idéalement placée. En effet, la ville présente toutes les caractéristiques (topographiques, hydrographiques, etc.) requises pour accueillir la résidence du roi : proximité de 4 montagnes (protectrices et chargées d’énergie) et de 2 sources d’eau (les fleuves Han et Cheonggyecheon).
Puisant directement son énergie dans le Baekdudaegan (chaine de montagnes sacrées de Corée), Bukhansan est le mont protecteur de la ville. A gauche et à droite, les monts Inwangsan et Taraksan viennent envelopper la ville tandis que devant, le mont Namsan la cache discrètement. A l’extérieur, le fleuve Han contourne le site et le fleuve Cheonggyecheon le traverse d’ouest en est.
Construit au centre du site, au pied de Bukhansan, le palais Gyeongbok était la résidence royale où le roi s’occupait de la plupart des affaires de l’État. Autour du palais, d’autres constructions importantes étaient aménagées dans le respect des traditions confucéennes : 2 sanctuaires, 1 marché et les bâtiments du gouvernement.
A gauche du palais, le sanctuaire de Jongmyo accueillait les ancêtres royaux ainsi que les rites ancestraux. A droite du palais, le sanctuaire Sajik était dédié aux dieux de la terre (Sa) et des grains (Jik ) afin d’assurer la récolte et la prospérité de la nation. Ces deux sanctuaires ont servis d’ancrage spirituel à la nation coréenne.
Devant, sur l’axe principale, la rue Yukjo a été construit pour relier le palais à la porte de Gwanghwammun. De chaque coté de la rue était disposé les différents bâtiments du gouvernement, que ce soit le Conseil d’État (Uijeongbu), le Ministère du personnel (Ijo), le Bureau de la capitale (Hanseongbu), le Ministère des impôts (Hojo), le Ministère des rites (Yejo), le Bureau de l’inspecteur général (Saheonbu), le Ministère de la Défense (Byeongjo) et le Ministère des Travaux (Gongjo).
Prévu pour une population de 200 000 habitants, le plan de la ville est tracé dans un périmètre fortifié de 16 kilomètres carrés dont elle ne débordera pas avant le XXe Siecle. Cette stabilité s’explique par la politique isolationniste stricte que la Corée mène pendant près de 5 siècles, en réaction à la menace régulière d’invasions mongoles, chinoises, japonaises.
Bien que cet isolement a coupé la Corée de toute modernisation, elle a favorisé la formation d’une identité coréenne forte. L’exemple le plus concret est l’invention du Hangeul, l’alphabet coréen, au XVe Siecle, afin de remplacer l’écriture chinoise en place à l’époque. De nombreux indices attribuent la paternité du Hangeul à Sejong le Grand, le 4e roi de la dynastie Joseon.
Les multiples invasions japonaises de 1592-1598 détruisirent le palais Gyeongbok qui fut reconstruit en 1867.
Séoul de 1800 à 1910 : une époque de transformations
Photos de Seoul dans les années 1880-1900
Au tournant du 19e siècle, Séoul, alors appelée Hanyang, était le cœur battant du royaume de Joseon. Cette période de plus d’un siècle fut l’une des plus turbulentes de l’histoire de la Corée, marquée par des défis internes et externes, des réformes, et finalement, une perte de souveraineté.
1800-1850 : une période de stabilité relative
Au début du 19e siècle, Séoul était une ville structurée selon les principes confucéens, avec des palais, des bureaux gouvernementaux, et des quartiers résidentiels organisés de manière hiérarchique. La société était fortement stratifiée, et le pouvoir était fermement entre les mains de la monarchie et de l’élite yangban.
Cette période fut relativement stable, bien que marquée par des luttes de pouvoir à la cour et des rébellions sporadiques. La vie à Séoul suivait un rythme traditionnel, rythmé par les rites confucéens et les cycles agricoles.
1850-1870 : l’Ère du confinement
Jusqu’aux années 1870, la Corée maintenait une politique d’isolement, connue sous le nom de « politique des portes fermées ». Séoul, en tant que centre politique et culturel, était un bastion de la tradition confucéenne. La ville était structurée selon les principes confucéens, avec des palais, des bureaux gouvernementaux, et des résidences disposées selon un ordre hiérarchique strict.
1870-1890 : ouverture et réformes
La pression des puissances occidentales, en particulier après l’ouverture forcée du Japon voisin, conduisit à une série de traités inégaux avec les États-Unis, le Japon, et les puissances européennes. Cela marqua le début d’une ouverture progressive et d’une exposition aux influences étrangères. Séoul devint un point focal pour ces échanges, voyant l’arrivée des premières légations étrangères.
Dans le même temps, le roi Gojong, qui régna à partir de 1863, lança des réformes visant à moderniser le pays. Ces réformes, bien que progressistes, se heurtèrent à une forte résistance de la part des conservateurs.
Le 26 février 1876, suite à un incident diplomatique avec le Japon, la Corée est contrainte de signer avec son voisin nippon un traité commercial qui met fin à l’isolement de la Corée. Le traité de Ganghwa stipule notamment que la Corée doit ouvrir ses ports (Busan, Incheon et Wonsan) au Japonais. Cet évènement marque un tournant dans l’histoire de la Corée et le début de l’ingérence japonaise. Ca marque également le début de la modernisation de Seoul qui se concrétise par des grands travaux d’urbanisme comme la construction d’installations électriques, de chemins de fer, de voies de tramway, de parcs, de réseaux d’aqueduc, d’écoles et d’hôpitaux.
1890-1910 : Bouleversements et Protectorat Japonais
La fin du 19e siècle fut une période de bouleversements pour Séoul. L’assassinat de la reine Min en 1895 par des agents japonais et la proclamation de l’empire coréen en 1897 par le roi Gojong, qui devint l’empereur Gwangmu, furent des événements majeurs. Séoul commença à se transformer avec l’introduction des tramways, de l’électricité, et des premières infrastructures modernes.
Cependant, l’influence grandissante du Japon sur la Corée culmina avec l’établissement du protectorat japonais en 1905. Le traité d’Eulsa, signé sous la contrainte, réduisit la Corée à un état vassal du Japon. Le pays perdit sa souveraineté et le contrôle de sa politique étrangère.
En 1910, l’annexion complète de la Corée par le Japon marqua la fin de l’indépendance de la nation. Séoul, rebaptisée Keijō sous l’occupation japonaise, entrait dans une ère nouvelle et difficile.
Séoul : sous l'emprise de l'Occupation Japonaise
(1910 à 1945)
La période de 1910 à 1945 marque une ère sombre mais cruciale dans l’histoire de Séoul. Durant ces trente-cinq années, la capitale coréenne, rebaptisée Keijō par les occupants japonais, fut le théâtre de profonds changements sous le joug de l’occupation coloniale.
1910-1920 : les premières années de l’Occupation
L’annexion formelle de la Corée par l’Empire du Japon en 1910 entraîna des bouleversements majeurs. Séoul devint le centre administratif de la colonie japonaise. Les autorités d’occupation entreprirent une japonisation systématique de la ville, modifiant son architecture et son organisation. Les palais royaux et les lieux historiques coréens furent négligés ou repurposés, tandis que de nouveaux bâtiments de style japonais furent érigés.
La résistance et le mouvement du 1er mars 1919
Le 1er mars 1919, Séoul fut le point de départ d’un mouvement d’indépendance national, connu sous le nom de Mouvement du 1er Mars. Des milliers de Coréens descendirent dans les rues pour réclamer l’indépendance. Bien que ce mouvement ait été réprimé avec brutalité, il marqua un tournant en ralliant le peuple coréen à la cause de la résistance contre l’oppression japonaise.
1920-1930 : modernisation et assimilation forcée
Durant les années 1920 et 1930, Séoul continua de se moderniser à un rythme rapide. L’introduction des tramways, l’électrification et la construction de bâtiments modernes transformèrent l’apparence de la ville. Cependant, ces développements s’accompagnaient d’une politique d’assimilation culturelle forcée. Les Coréens furent encouragés, puis obligés, à adopter les noms, la langue et les coutumes japonaises.
1930-1945 : la Seconde Guerre Mondiale et l’intensification de l’Occupation
Durant la Seconde Guerre mondiale, la situation en Corée se détériora davantage. Séoul devint un important centre de mobilisation pour l’effort de guerre japonais. Les Coréens furent recrutés de force dans l’armée japonaise ou envoyés travailler dans les usines et les mines au Japon. La répression culturelle s’intensifia, avec l’interdiction de l’usage du coréen et la fermeture des écoles coréennes.
La capitulation du Japon en août 1945 mit fin à la Seconde Guerre mondiale et à l’occupation de la Corée.
Séoul de 1945 à 1950 - Les Années de Transition
L’histoire de Séoul entre 1945 et 1950 est marquée par une période de transition intense et de bouleversements politiques, sociaux et économiques profonds qui ont façonné le destin de la ville et ont eu des répercussions durables sur la Corée dans son ensemble.
À Séoul, la capitale de la Corée, l’immédiat après-guerre a été caractérisé par un mélange de célébration de la libération et d’anxiété face à l’avenir. Les infrastructures de la ville, bien que relativement intactes par rapport à d’autres villes asiatiques, nécessitaient une reconstruction et une modernisation.
L’année 1945 a également vu l’arrivée des forces américaines et soviétiques qui se sont divisé la péninsule coréenne le long du 38e parallèle. Séoul, située au sud du 38e parallèle, est devenue la capitale de la zone d’occupation américaine. Dans le nord, Pyongyang est devenue la capitale de la zone d’occupation soviétique.
La période a également été témoin de la montée des tensions entre les factions politiques en Corée. Les mouvements de gauche et de droite ont lutté pour le pouvoir, souvent dans des affrontements violents qui ont eu des répercussions dans les rues de Séoul. La situation politique intérieure était instable, et la menace d’une guerre civile semblait imminente.
C’est dans ce contexte qu’en 1948, la République de Corée (Corée du Sud) a été officiellement établie avec Séoul comme capitale. Cependant, la division du pays était désormais plus profonde, avec la création de la République populaire démocratique de Corée (Corée du Nord) la même année.
Le 25 juin 1950, la guerre de Corée a éclaté lorsque les forces nord-coréennes ont traversé le 38e parallèle, marquant le début d’un conflit dévastateur qui transformerait Séoul et la péninsule coréenne.
Séoul pendant la guerre de Corée (1950-1953)
Séoul, la capitale de la Corée du Sud, a joué un rôle central et tragique pendant la guerre de Corée (1950-1953). La ville, située à seulement quelques kilomètres au sud du 38e parallèle, était un objectif stratégique majeur pour les deux côtés. Sa capture signifiait un avantage considérable.
Séoul a changé de mains à plusieurs reprises durant le conflit. Initialement sous contrôle sud-coréen, elle fut rapidement capturée par le Nord, puis reconquise par les forces de l’ONU dirigées par les États-Unis, avant de retomber brièvement aux mains du Nord.
Ces nombreux changements de contrôle ont entraîné d’importantes destructions. Des bâtiments historiques, des infrastructures et des maisons ont été gravement endommagés ou détruits. La population civile a subi de lourdes pertes et des déplacements massifs. Les familles ont été séparées, et de nombreux civils ont été tués ou blessés.
L’après-guerre a vu une période intense de reconstruction. Séoul a été reconstruite rapidement, aidée en grande partie par l’aide internationale et la volonté des Coréens de rebâtir leur nation. Malgré les cicatrices laissées par la guerre, Séoul a connu un essor économique remarquable dans les décennies suivantes, devenant une métropole mondiale.
La guerre de Corée reste un événement marquant dans la mémoire collective sud-coréenne. À Séoul, plusieurs monuments et musées commémorent la guerre et ses victimes. La guerre a laissé la péninsule coréenne divisée, un héritage qui continue d’affecter Séoul et ses relations avec la Corée du Nord.