A l’image de nombreuses métropoles culturelles, il est courant de voir à Séoul les créateurs s’aventurer hors des limites de leur spécialité pour s’ouvrir sur d’autres disciplines. Ainsi, de plus en plus de designers, graphistes, architectes coréens aménagent au sein de leur studio des librairies, des cafés/restaurants, galeries, salles de concert ou boutiques. Cette tendance à se libérer des cadres entérine la créativité et le dynamisme de la scène culturelle séoulite.
Situé dans le quartier d’Euljiro 3 ga à Séoul, Corners fait parti de ces agences qui multiplient les activités transverses. Fondé en 2012, Corners est composé de 3 membres – Hyojun Cho, Daewoong Kim et Daewoong Kim – qui se sont rencontré lors d’un stage a l’agence de design MMMG. Corners est à la fois une agence de graphisme, une maison d’édition ainsi qu’une imprimerie de risographie. Ces trois activités se nourrissent chacune l’une l’autre et leur permettent de garder une dynamique créative. Dans un design simple et ludique, Corners produit des livres, des sacs, des calendriers, des affiches et organise des expositions et des workshops.
Créée en 1986 au Japon par Riso Kagaku, la risographie est un procédé d’impression à la frontière entre la sérigraphie, l’offset et la photocopie. Utilisant un système de pochoir, le risographe applique les couleurs une par une en ton direct ce qui oblige plusieurs passages successifs du papier dans la machine. Les différentes teintes sont ainsi obtenues par superposition des couches. Le jeu de texture et de couleur – composé de trames plus ou moins fines – ainsi que les imperfections inhérentes à son fonctionnement – calages et alignement approximatifs – confèrent aux impressions risographiques un aspect inédit qui le rapproche davantage du travail artisanal que de l’impression de masse.
Interview
Pouvez-vous présenter Corners ?
Corners a été créé en 2012. Nous sommes basés à Séoul et nous sommes à la fois une agence de design graphique et une imprimerie de Risographie. Nous combinons ces deux compétences pour produire des livres, des accessoires, des vêtements. Nous avons un fonctionnement assez souple et l’effectif de notre studio tourne généralement entre deux et quatre employés.
Pourquoi avez-vous choisi la risographie ?
Quand j’ai découvert la risographie, j’ai été attiré par les couleurs et les jeux de textures de cette technique d’impression. La machine est relativement petite et elle permet des impressions à coût réduit tout en utilisant des couleurs particulières. En 6 ans d’utilisation, j’ai pu expérimenter tous les défauts de ce procédé pour maintenant me concentrer sur ses qualités. Étrangement, les gens sont généralement compréhensifs et acceptent les défauts inhérents à la risographie.
Comment définiriez-vous votre style graphique ?
En graphisme, c’est assez courant de voir plusieurs éléments s’annuler entre eux. C’est pour cette raison que nous nous concentrons uniquement sur une ou deux idées principales. C’est ce style de graphisme simple que nous aimons. Notre travail évolue naturellement en fonction des goûts et des intérêts de chaque membre du studio.
Récemment, nous avons travaillé pour l’exposition ‘Layers and Spaces’ organisée par la MMCA. Nous avons développé un graphisme en jouant sur les superpositions et les juxtapositions d’aplats de couleur de formes différentes. Dans ce projet, nous avons utilisé la risographie, la sérigraphie et d’autres techniques d’impression que nous utilisons peu comme la dorure à chaud.
Quelles sont vos sources d’inspirations ?
Plutôt que par des images qu’on peut voir sur internet, nous sommes davantage inspirés par des choses concrètes, des matières qu’on peut toucher ou des expériences qu’on peut vivre. En 2016, nous avons été invités à participer à la deuxième édition du Magical Riso organisée à l’Académie Jan Van Eyck à Maastricht en Hollande. Nous y avons rencontré beaucoup de gens avec qui nous avons pu échanger sur la risographie et le design. C’était inspirant pour nous. Ça a modifié notre perception sur nos productions et notre rapport à la risographie. Ça a été l’opportunité pour nous de voir nos productions avec un regard différent. Je pense que ce genre d’occasion est très inspirant.
Comment gérez-vous à la fois l’imprimerie, le studio graphique et l’édition ?
Nous nous occupons des trois en même temps. Parfois, c’est compliqué de devoir faire plusieurs taches. En ce moment les commandes de graphisme et d’impression ont augmenté, donc on réfléchit à une nouvelle organisation. Mais je pense que ces deux fonctions nous motivent et tant que ça nous m’amuse nous voulons continuer à les faire.
Pour notre édition, nous publions des artistes que nous trouvons et dont leur travail fonctionne bien avec l’impression risographique. Nous fabriquons également des objets du quotidien que nous utilisons comme par exemple du scotch, des calendriers, etc. Nous expérimentons beaucoup de nouvelles techniques.
Quel est votre rapport à la typographie ?
Parfois je travaille seulement avec le Hangul, mais souvent je le mélange avec des écritures latines. J’aime jouer avec des polices qui ont des formes similaires, en les superposant. Dans tous les cas, la rencontre des polices coréennes et latines crée une composition très intéressante. Je pense que c’est ce genre de petits plaisirs que l’on peut apprécier quand on utilise les polices Hangeul.
Que pensez-vous de la scène graphique de Séoul ?
Je n’ai pas vraiment d’avis sur le graphisme coréen. Je remarque simplement que de plus en plus de graphistes s’ouvrent vers d’autres domaines qui leur plaisent comme la musique, la mode, la photographie, la cuisine, etc. Certains même organisent des évènements. Nous par exemple, nous sommes une agence de graphisme, mais nous dirigeons également une imprimerie de risographie.
Quel est votre lieu préféré à Séoul ?
Que ce soit au nord de Séoul ou au sud, il y’a partout des endroits que nous aimons. Mais si je me limite à la zone autour de notre agence, nous aimons la route qui monte vers Namsan puis qui redescend vers Namdaemun et se prolonge jusqu’à Sogong dong et ensuite Euljiro. Ce sont des quartiers peu développés. J’aime bien marcher dans cette rue en imaginant toutes sortes de situations (par exemple que je suis à l’époque Chosun). Dans les petites ruelles entre Sogong-dong et Eulgiro 4 ga, il y a pleins de nouveaux lieux intéressants qui ont ouverts : Woojoomanmul (magasin de cadeau @cosmoswholesale), Doinong (restaurant thai), Seendosi (club @seendosi), Clique Records (magasin vinyle @clique_records), Theedge (bar @theedgeseoul), International (magasin de vêtement @theinternatiiional), Occupy the City (magasin des affiches @occupy_the_city)
Le site de Corners
http://corners.kr/