Patrimoine culturel important en Corée du Sud, la céramique contemporaine se réinvente avec l’arrivée d’une nouvelle génération de créateurs qui s’émancipent des codes traditionnels. Nourris d’influences diverses, ces jeunes designers redéfinissent le médium selon l’esthétique et les préoccupations actuelles.
Si on associe souvent la céramique à la sculpture et à la peinture, les céramiques de Minseon Kim se rapprochent davantage du graphisme et de l’image numérique. A contrepied de la plupart des céramistes, Minseon Kim privilégie l’évocation à l’expressionnisme. En expérimentant les techniques de fabrication, elle supprime de ses objets aux formes lisses et aux aplats colorés toute matérialité et volume pourtant inhérents au travail de la terre. Les objets de Minseon Kim sont des fragments poétiques qui viennent s’imbriquer dans les scènes du quotidien.
Minseon Kim a créé son studio de céramique Line and Segment en 2017.
‘Polu and Melemele’
La série Polu and Melemele est une collection de céramiques bleues et jaunes qui joue sur l’opposition entre l’aspect extérieur lisse et mate – due à l’absence de glacis – et celui de la surface intérieure constellée de taches qui évoque, au choix, une plage de sable ou un ciel étoilé.
01. Comment avez-vous commencé Line and segment ?
J’ai étudié la céramique à l’université puis juste après mon diplôme, en 2017, j’ai créé Line and Segment car je voulais lancer ma marque de produits. Avec le temps, j’ai commencé à développer en parallèle un travail plus personnel et artistique.
Aujourd’hui, ma préoccupation est de concilier ces deux aspects.
02. D’où vient le nom Line and segment ?
Line vient de mon prénom Seon qui signifie la ligne en coréen. Segment est un mot que j’aime bien. Je trouvais que la combinaison de ces deux noms correspondait bien à mon travail.
03. Où est situé votre atelier ?
Mon atelier est installé à Haebangchon à Séoul, non loin du quartier d’Itaewon. J’étais déjà venu ici plusieurs fois auparavant, mais à l’époque, l’atmosphère était différente. C’était plus brut, mais le lieu me plaisait. Ce bâtiment a été construit à la fin des années 60 pour accueillir un marché de nourriture. Aujourd’hui, les boutiques de design et les ateliers ont remplacé les échoppes de nourriture, mais l’ambiance de marché est restée.
04. Comment définiriez-vous le style de Line and segment ?
Je m’intéresse à l’art visuel en général, que ce soit le graphisme, le cinéma et la photographie. Je pense que cette tendance se reflète dans mon travail.
Pour la série Polu and Melemele, je voulais créer des céramiques qui aient une surface lisse et mate. Cet aspect homogène n’est pas possible avec le glacis qui donne des résultats trop irréguliers d’une céramique à l’autre. Donc, pour obtenir une telle texture, j’ai mélangé les pigments de couleur à la terre sans utiliser de glacis. C’est cet aspect qui différencie ma céramique de la céramique traditionnelle.
04. Qu’est-ce qui vous inspire ?
Toute sorte d’images que j’aime bien. En 2018, j’ai fait une exposition dans la galerie de Twoffice à Séoul. L’artiste qui exposait après moi était une photographe hollandaise du nom de Lilia Luganskaia. Comme elle aimait bien mes céramiques, elle m’a proposé que l’on s’échange une de nos œuvres respectives. Je lui ai ensuite demandé de photographier mes céramiques. Ce qu’elle a accepté. Le but n’était pas de faire de simples photos de produits, mais de faire une collaboration artistique. J’ai donc envoyé mes céramiques en Hollande. L’une de nos inspirations était le film « les plages d’Agnes » dans lequel la réalisatrice Agnes Varda a placé plusieurs miroirs sur la plage. J’aime bien mélanger mes céramiques avec d’autres objets pour changer la lecture de mon travail.
05. Quelles formes aimez-vous ?
Je trouve les formes anciennes belles et subtiles, mais je trouve compliqué de les fabriquer. J’aime bien l’artiste anglaise Lucie Rie qui s’inspire de la céramique traditionnelle japonaise.
06. Y a-t-il des projets que vous aimeriez faire ?
Je voudrais faire des projets plus conceptuels. Plus jeune, j’avais réalisé une vidéo dans laquelle je mélangeais de manière aléatoire textes personnels, dessins et photos. Je l’ai ensuite publié en livre. J’ai bien aimé ce travail, car contrairement à la céramique qui a un processus de fabrication très contraignant, j’ai pu laisser libre cours à mon imagination. J’aimerais collaborer avec un artiste multimédia pour refaire ce genre de projet. Par exemple utiliser l’impression 3D et la mélanger avec des techniques de fabrication traditionnelles.
07. Quel aspect de la céramique préférez-vous ?
J’aime particulièrement l’aspect de la céramique après la première cuisson, quand la terre est encore humide. Elle a une beauté étrange et fragile. Les gens ne peuvent pas voir cet aspect de la céramique, car elle est éphémère. Ensuite, la terre sèche complètement et se solidifie.
08. Quel est votre lieu préféré à Séoul ?
J’aime bien le quartier Haebangchon où mon atelier est situé, mais je préfère Seongsu-dong où je vis depuis l’âge de 5 ans. J’ai beaucoup d’attachement pour ce quartier.
Quand j’étais petite, c’était un quartier industriel où l’on pouvait voir les gens travailler dans la rue, devant leur boutique. Je me souviens que j’étais impressionné par les étincelles projetées par les soudeurs.
Beaucoup de designers emménagent dans ce quartier, car comme c’est un ancien quartier industriel, on y trouve beaucoup d’espaces grands et hauts de plafond.