A travers une œuvre à l’esthétique pop acidulée, l’artiste coréenne Lee Mijung (née en 1988) engage une réflexion sur les normes et les conventions culturelles qui régissent la société sud-coréenne moderne. Associant ses souvenirs personnels à la mémoire collective, Lee Mijung crée une œuvre polymorphe (peinture, sculpture, photo, installation) dans laquelle elle s’approprie les symboles et tabous de la culture moderne qu’elle détourne de façon ludique et naïve. Dans la série Landscape with dildo, elle bâtit un paysage à la topographie vibromatique où évolue dans la moiteur d’une salle de bain de petits animaux féeriques au milieu de sex toys. Plutôt que de choquer, le travail de Lee Mijung tend à proposer une nouvelle interpretation aux idées reçues et postulats que l’on pensait figé.
Quand nous sommes face à quelque chose qui contredit nos conventions, nous le jugeons automatiquement comme malade, mauvais, faux, sale ou dangereux.
<Stage for Self prize>, acrylic on wood, variable size(about 800x200cm), 2013
Self prize series, 2011 –
8 Characters for Job Hunting, pigment print
Landscape with dildo, digital drawing, 2011-2014
<Pink Noise> exhibition view, 2014
1. « Plus c’est long, plus c’est bon ! ». 2. « Finis dans mon corps. » 3. « Encore! Encore! Encore ! Encore ! Encore ! Encore ! » 4. « Maintenant ! encore une fois!!! »
<The Slogan>, acrylic on wood, each 5x55x120cm, 2014 (part)
Flowing body, acrylic on canvas, each 33.4×24.2(cm), 2014
<사정의 벽>, acrylic on wood, 40x100x205cm, 2014
Interview
Pouvez-vous présenter votre travail?
Mon travail part des traditions, des cadres culturels avec lesquels on a grandi en Corée. Par exemple les phrases comme ‘il faut faire – ‘, ‘les femmes doivent – ‘ sont devenues comme des évidences, des postulats que l’on dit sans réfléchir tellement elles sont ancrées dans la culture. A travers mon travail, je voulais les détourner de leur contexte et les réutiliser de manière joyeuse afin d’en donner une nouvelle interprétation.
Souvent quand je travaille, je pars de ma propre expérience que j’essaie d’ouvrir à une lecture plus générale afin de les partager avec les autres.
Red complex, pink lens effect. Dans votre travail, la couleur tient un rôle particulier.
Les couleurs agissent sur plusieurs niveaux sur les gens. Elles transmettent à la fois des émotions et véhiculent de manière inconsciente des messages précis. Par exemple, le rouge suggère l’idée d’interdiction, de sexe, de danger. Dans mon travail, la couleur joue donc un rôle symbolique qui permet d’exprimer instantanément des idées ancrées dans la société. La couleur est aussi un moyen pour moi d’atténuer et de renverser certaines idées crues et violentes.
Dans votre travail, les godemichets deviennent des animaux mignons et s’intègrent dans un univers enfantin.
Quand j’ai conçu la série « landscape with dildo », je disais toujours « Je vais vous raconter les histoires taboues d’une manière gaie ». Selon les sociétés, le ‘sexe’ peut être interdit ou bien considéré comme un simple produit de consommation. Je trouve cela ironique. Quand vous regardez la série « Landscape with dildo », la premiere chose que l’on voit est l’expression sur le visage des animaux, les paysages et la couleur. C’est souvent dans un second temps que l’on découvre les scènes sexuelles. C’est cet effet d’inversion visuelle que j’attendais.
Quels artistes vous ont le plus influencé ?
Mon film préféré et que j’ai le plus regardé est <Hedwig and The Angry Inch > du réalisateur John Cameron Mitchell. J’aime bien les scènes mais c’est surtout la bande originale qui me plait. Comme peintre, j’aime beaucoup James Benjamin Franklin. Ces dessins sont impressionnants.
Comment réagissent les gens face à vos œuvres ?
Je représente toujours les sujets et les objets tabous dans la société coréenne d’une manière ludique. Ainsi, même les gens qui ne sont pas à l’aise face à ce genre d’images peuvent les regarder d’une manière plus décontractée. Comme on a grandi dans la même société, on a les mêmes références, les mêmes repères culturels et cela permet une sorte d’échange immédiat entre les visiteurs et moi. Quand je réussis à dialoguer à travers mes tableaux, je suis très contente.
Quel regard portez-vous sur Seoul ?
Comme j’habite dans la banlieue de Séoul, je fais beaucoup d’aller-retour entre Séoul et chez moi. Mon école, mon atelier, mon lieu de travail. Ils sont à chaque fois situés à Séoul si bien que Séoul est pour moi un Work Place.
J’aime bien le village Ousadan à côté de la mosquée à Itaewon. Quand j’étais plus jeune, ce quartier avait la réputation d’être un endroit dangereux ou on osait pas aller. Mais grâce aux jeunes qui commencent à s’y installer, ça devient un quartier actif. Je peux sentir l’affection et l’énergie des habitants partout dans le village.
<Pink Noise> exhibition view, 2014