A travers ses créations, le designer Kenny ‘Yong-Soo’ Son cherche à ajouter du sens et de la valeur à l’environnement quotidien. Dessinés dans des formes géométriques simples aux lignes épurées, qui évoquent le minimalisme fonctionnel de l’architecture moderne, ses objets – essentiellement de la vaisselle et accessoires de bureau – sont façonnés dans des matériaux bruts et traditionnels. Leur réalisation et leur finition les inscrivent d’emblée dans une certaine pérennité (la patine du cuivre, l’aspect granuleux du béton) et témoignent d’un savoir-faire ancestral.
Entre artisanat, design et sculpture, sa production se débarrasse de tout artifice ornemental pour échapper aux tendances et ainsi atteindre une certaine essence de la beauté fonctionnaliste donc intemporelle. Spécialisé dans l’art du métal, Kenny Yong-Soo Son fabrique ses objets selon des techniques traditionnelles coréennes qu’il souhaite perpétuer en les réinterprétant et en les adaptant aux besoins modernes.
Diplômé en art du métal puis en design d’objets, Kenny Yong-Soo Son fonde son agence Studiokyss en 2013.Né en 1987 à Séoul, il vit et travaille à Sydney en Australie.
interview
Pouvez-vous présenter votre travail ?
Je fabrique des objets du quotidien. J’ai étudié l’art du métal à Université de Sydney avant de faire un master en Design d’Objet. Mon travail est un mélange entre artisanat et design. Quand je me présente, je dis simplement que je fabrique des objets sans citer un métier en particulier. Je m’intéresse aux accessoires de bureau, aux ustensiles que l’on peut poser sur une table. Le plus important pour moi, c’est que mes créations soient intemporelles et pérennes. Pour ça, elles doivent être techniquement parfaites et formellement fonctionnelle. J’essaie de satisfaire ces deux éléments.
Comment est né votre intérêt pour le design ?
Je n’ai pas de souvenir d’un moment clé. J’ai toujours aimé fabriquer des choses à la main. Avec les connaissances et les techniques que j’ai acquises, je peux aujourd’hui fabriquer des objets pratiques et agréables à utiliser, c’est important pour moi. Si, en plus, ils sont utilisés pendant longtemps, je suis comblé.
Quelle est votre définition du beau ?
Je trouve beaux les objets qui portent en eux la trace du temps que leur créateur a passé à les dessiner et à les façonner. Les objets qui n’ont pas cette dimension disparaissent rapidement.
Les outils que vous fabriquez ressemblent à des sculptures.
Dans mon travail, j’utilise des formes géométriques assez simples (des cercles, carrés, octogones, etc.). J’élimine les couleurs ou les formes qui ne sont pas nécessaires pour me concentrer sur les matériaux et la technique. C’est sans doute pour cette raison que mes objets ressemblent à des sculptures minimalistes. Aucun élément superflu ne vient déranger la forme et la fonction.
Votre série « Binyeo » évoque l’artisanat traditionnel de la Corée.
Pour ce travail, j’ai subi l’influence de mon maître Seongjun Cho, grand spécialiste du cuivre blanc coréen. Le travail de Maître Cho repose essentiellement sur des techniques traditionnelles, mais aussi sur des techniques qu’il a développés au cours du temps. En 2014, grâce à la bourse « Australia-Korea Foundation », j’ai pu apprendre à ses côtés. Aujourd’hui, je réinterprète ses techniques pour les perpétuer. Je pense qu’apprendre et transmettre la tradition et l’histoire est très important, car ça permet de construire le présent et le futur. Je continue à faire ce genre de travail basé sur des techniques traditionnelles pour fabriquer des objets modernes.
Quels sont vos projets ?
Jusqu’à présent, je fabrique des petits objets qui peuvent tenir sur une table. Maintenant, j’aimerais construire des meubles. Comme c’est un domaine que je ne connais pas bien, je discute beaucoup avec mes amis designers de meuble. En juin, j’ai une exposition solo à Sikgijang sur le thème du ‘bureau’.
Que regard portez-vous sur Séoul ?
Je vis en Australie depuis 1996. J’ai passé plus de temps de ma vie à Sidney qu’à Séoul. Quand je reste longtemps à Séoul, la vie me paraît bruyante et froide. Pourtant, quand je suis à l’étranger, je recherche inconsciemment des choses liées à la Corée. Mon endroit préféré à Séoul est un bar qui s’appelle ‘Mansun Hof’ où l’on peut manger des « Nogari » (petits merlans séchés) avec de la sauce Gochujang en buvant de la bière. Les jeunes n’y vont pas trop, mais mon maître m’y a amené. Ça a un charme particulier et surtout c’est addictif.