Artiste nomade née en 1957 à Daegu, Kim Sooja a fait du voyage le moteur de son travail artistique. Elle puise dans le terreau de ses origines coréennes afin d’engager une réflexion sur le thème universel et intemporel de l’exil. Depuis plus de 20 ans, elle conçoit au sens propre comme au figuré des bottaris, des grandes pièces de tissus traditionnelles et colorées confectionnées à partir de morceaux d’étoffes récupérés et cousus entre eux.
Objet familial ancré dans la culture coréenne, le bottari était utilisé à la manière de grand baluchon pour envelopper et transporter des effets personnels lors de voyage ou de déménagement. Kim Sooja s’en sert pour ses valeurs symboliques fortes et tisse une réflexion sur le voyage, le déracinement, la mémoire et la construction de soi.
Au delà d’une œuvre à la sensibilité féminine et à l’esthétique coréenne, le travail de Kim Sooja vise un objectif universel, celui de comprendre l’esprit humain à notre époque moderne.
To breathe: Bottari
Pour la biennale de Venise en 2013, Kim Sooja investit avec poésie le Pavillon coréen, abordant l’architecture comme un immense bottari. Elle recouvre le sol de miroirs et plaque sur les larges baies vitrées un film translucide qui diffracte la lumière naturelle du soleil en un spectre chatoyant aux reflets infinis, inondant l’espace du pavillon de miroitements kaléidoscopiques. La densité de la lumière varie en fonction de la position du soleil et transforme l’installation en une expérience transcendantale.
A travers cette installation, Kim Sooja invite le visiteur à plonger dans une sorte de sanctuaire physique et sensoriel, reflet de l’univers introspectif de l’artiste.
Bottari Truck-Migrateurs
Réalisée en 2007, la performance « Bottari Truck-Migrateurs » est une méditation sur le thème de l’immigration et du déracinement. Juchée sur une montagne de ballots de tissus à l’arrière d’un pick-up, Kim Sooja parcourt un itinéraire partant du musée MAC/VAL de Vitry-sur-Seine jusqu’à l’Église Saint-Bernard à Paris, lieu symbolique de la lutte des sans-papiers depuis l’expulsion brutale en 1996 de 300 clandestins qui s’y étaient réfugiés. Les baluchons qu’elle transporte sont confectionnés à partir de tissus, draps et vêtements récupérés auprès de l’association d’Emmaüs. Ils forment ainsi des patchworks chargés d’autant d’histoires anonymes et personnelles. La poignante beauté des photos tirées de sa performance trouve leur pleine mesure dans la gravité du sujet évoqué.
Cities on the Move : 2727 Kilometers Bottari Truck
En 1997, Kim Sooja sillonne la Corée sur 2 727 kilomètres, assise sur un amoncellement de bottaris à l’arrière d’un camion. Sorte de pèlerinage initiatique, elle récupère dans les différents villages traversés à mesure de son périple, des vêtements qu’elle entasse ensuite dans les bottaris.
A needle woman
Réalisée en 1999-2001, l’œuvre « A needle Woman » (la femme aiguille) est composée de 8 vidéos projetées simultanément dans une même pièce. Filmées en plan fixe au téléobjectif dans les rues bondées de 8 métropoles (Tokyo, New York, Londres, Mexico, Le Caire, Delhi, Shanghai, et Lagos), on y voit l’artiste de dos, parfaitement immobile au milieu de la foule qui dessine autour d’elle le tissu social dont elle se fait l’aiguille catalyseur. Par la répétition des plans uniformes et de sa posture immobile, Kim Sooja transcende à la fois les lieux et les cultures et mêmes temps affirment son identité.
Son site officiel : http://www.kimsooja.com/