Les nombreuses tentatives de modernisation du hanok restent souvent enfermées dans les schémas traditionnels de la maison coréenne. Les architectes se contentent, la plupart du temps, de créer un espace hybride en modifiant la décoration et en plaçant des meubles occidentaux mais sans réellement transformer la structure architecturale.
Simone Carena, architecte italien de l’agence Motoelastico installée à Séoul, a su dépasser cette limite en concevant le Hanok Dub Remix, un Hanok qu’il a rénové en y intégrant des éléments architecturaux modernes et en l’adaptant au style de vie contemporain. Le fait qu’il soit étranger lui a sans doute permis d’interpréter d’une manière plus libre et objective la maison traditionnelle coréenne.
Aujourd’hui en habitant dans cette maison qu’il a créé, il expérimente un nouvel espace qui relie le passé et le future.
@ cahier de seoul
Fondée en 2006, Motoelastico est une agence d’architecture italienne basée à Seoul. Son nom est un mélange des mots « moto » et « élastique ». Nous avons Interviewé Simone Carena, l’un de ses fondateurs.
Cahier de Seoul : Comment définiriez-vous la philosophie de motoelastico ?
Simone Carena : Le concept de MotoElastico se base sur l’idée du mouvement de l’élastique qui part d’un point A s’étire jusqu’au point B puis revient au point A. La démarche peut sembler stérile, mais l’expérience du trajet aller-retour offre une vision dynamique des deux points et de tout ce qui se situe entre les deux.
Dans le cas présent, le point A est Turin, en Italie – mais représente aussi l’éducation occidentale – d’où nous venons, et le point B est Séoul, l’endroit le plus à l’est de l’Asie (au bord de la route de Marco Polo).
Concernant la moto, Marco Bruno (un des deux associés de motoelastico) et moi en conduisons depuis notre enfance. La moto est une extension fantastique du corps qui ne fonctionne que pendant les déplacements. À Séoul, la moto vous transforme en une créature hybride. Lorsque vous roulez lentement, vous fusionnez avec les piétons, et quand vous roulez vite vous fendez la circulation à travers les bâtiments et les bus bleus.
La vision dynamique du mouvement élastique vous aide à dépasser les stéréotypes et à casser les lieux communs.
Vous pouvez le voir sur notre site web (motoelastico.com), nous utilisons des couleurs vives pour une approche kitsch passif-agressif. Le kitsch est bon un exemple de l’approche dynamique, il est tellement dépassé qu’il redevient actuel. Le kitsch demande du recul, de l’ironie et de la sensibilité pour retrouver sa valeur.
Can you explain the design and architecture philosophy of MOTOELASTICO?
MotoElastico is the elastic motion. it goes from point A stretching to point B then returning to A. It seems a useless exercise, but the experience of the trip from A to B and back provides a dynamic perception of A, B and all there is in between.
Our point A is Turin, Italy, but also the western education from where we started, (we went west from Italy for a while, Columbus style) and B is Seoul, the easter end of Eurasia (at the edge of the Marco Polo route).
Both Marco Bruno and I (Simone Carena) have been driving motorcycles since we were kids, we still do also in Seoul and the motorcycle is a fantastic body extension, it works only while moving and in Seoul it upgrades you into a hybrid creature, when you go slow you merge with the pedestrians, on sidewalks and crossings, when you go fast you cut thru traffic between walls of blu buses.
The dynamic vision of the elastic motion helps you to blur the stereotypes and distort the common places.
You can see from our website (motoelastico.com) that we use bright colors and a passive aggressive kitsch approach. Kitsch is one example of dynamic approach, it is so off that is it becomes on, it requires perspective, irony and awareness to become valuable.
Cahier de Seoul : Comment avez-vous décidé de venir travailler à Seoul ?
J’ai réalisé un clip pour un groupe de musique italien destiné aux sourds (voir en bas de l’article). Comme c’était une première mondiale, j’ai été invité à Séoul pour le présenter. J’y ai rencontré le doyen de IDAS (qui fait maintenant partie de l’Université Hongik) qui m’a offert un poste d’enseignant. C’était en 2000, tant de choses ont changé depuis !
Marco est venu me rendre visite l’année d’après. Il a aimé l’étrangeté de la ville et a décidé de rester pour m’aider à installer le bureau.
How did you decide to come and work in Seoul ?
I made a music video clip for the deaf for an Italian Band, it was an international novelty so I was invited to Asia to present it , In Seoul I met the dean of IDAS-(now part of Hongik University) and got offered a teaching position. it was 2000 so many things changed since than!
Marco Visited the year after and he also loved the bizarre place and decided to stay and help the branching of the office.
Quelle image aviez-vous de Seoul avant de venir, et quelle impression avez-vous eu en arrivant ?
Je connaissais déjà Hong-Kong, Osaka et Tokyo. Seoul me paraissait plus dure que l’élégant Tokyo ou que le tropical et postcolonial Hong-Kong. Osaka est la ville qui se rapproche le plus de Seoul. J’adore Osaka.
Je suis arrivé à l’aéroport de Gimpo en Octobre 2000, et j’ai eu un excellent guide, Hyosun Chang, un designer coréen qui avait travaillé pour mon bureau en Italie. Seoul était inattendu et différent, le pays avec le moins d’Italiens dans le monde ! Je me sentais comme un explorateur.
En 12 ans, j’ai été témoin de changements massifs, dynamiques, mais aussi de certains effets secondaires négatifs de la mondialisation, mais Seoul reste encore l’endroit où je choisirais de vivre. Non pas pour ses qualités en général, mais parce que personnellement, je l’adore.
About Seoul, what kind of image did you have before and what impression did you have when you arrived ?
I knew Hong Kong, Osaka and Tokyo before i Visited Seoul, it was right at the turn of the century and Seoul looked so much more hardcore than Stylish Tokyo or Postcolonial-tropical Hong Kong. Maybe Osaka had some similarities to the first Seoul I experienced. And i also loved Osaka.
I arrived in Gimpo in October 2000, but i had a good guide, Hyosun Chang, a Korean Designer who worked for my Italian office. It was unexpected and different, the country with less italians in the world, I felt like a discoverer.
In 12 years i could see massive changes, energy and also some negative side effects of globalization, but it is still the place i would choose to live in. Not because it is generally good, but because i personally love it.
Votre maison est située dans Samcheong dong, au milieu des maisons traditionnelles coréennes.Quel a été l’élément le plus important dans la conception du « nouveau hanok »?
En Italie, les architectes en ont marre de restaurer d’ancien bâtiment et souhaitent plutôt construire de nouveaux volumes. En Corée, c’est le contraire. La relation entre le lieu et l’histoire est absente, les bâtiments traditionnels sont mal conservés et les promoteurs immobiliers ne cessent de démolir pour construire d’énormes boites.
Le défi du nouveau Hanok était de faire une maison à la fois ancienne et «primitive» et habitable aujourd’hui. En Corée, les maisons traditionnelles sont généralement utilisées comme des galeries, des cafés, des magasins et des auberges, et jusqu’à récemment, les Coréens rejetaient l’idée de vivre dans des hanoks, car ça signifiait pour eux un retour en arrière. Dans leur esprit, le hanok est associé à de mauvais souvenirs comme le manque de chauffage, le surpeuplement, la mauvaise hygiène.
Nous avons conçu le nouveau Hanok (Hanok Dub Remix) au moment ou le Hanok redevenait populaire. Maintenant Samcheong dong est devenue une attraction touristique très fréquentée, les masses de touristes zombies rampent toute la journée autour de notre maison, en prenant des photos et en sirotant un frappuccino.
Le projet était de construire une maison familiale, avec des besoins contemporains et une volonté d’expérimenter à contre courant des appartements de Gangnam et des groupes de décision des copropriétaires. Nous avons dépouillé la structure tout en gardant les proportions puis nous y avons intégré de nouvelles cellules domestiques comme une salle de bain, une cuisine moderne en métal et enfin, nous avons aménagé un jardin sur le toit du garage. Nous avons pris du bambou décoloré pour en faire la seule couleur nouvelle (les couleurs généralement utilisées pour les maisons traditionnelles sont blanc, bois et gris foncé).
Nous l’avons appelé la Hanok Dub Remix en référence à l’industrie de la musique jamaïcaine qui, lorsqu’elle remixe une chanson classique, la dépouille jusqu’à laisser uniquement la Basse et la Batterie puis réorganise les mélodies en ajoutant des effets et des sons modernes.
Your house is located in Samcheongdong, in the midst of traditional Korean houses. What was the most important element in designing the « new hanok »?
While designing architecture in Italy you easily get fed-up with restoration, you wish to build new volumes… in Korea it is the opposite; there is lack of relations with history and site, the poor quality of the old buildings and the real estate forces land owner to demolish and build taller boxes. Lofts and 6 stories historical buildings are totally missing in Korea.
The Challenge of the Hanok was to make a very old and “primitive” house design livable today. Hanoks are usually used as galleries, cafes, shops and guest houses, and until recently Korean people hated the idea to “move back” to the nasty environment of the hanok villages. Bad memories were embedded in the badly built, badly heated and overcrowded suburban hanoks. We designed the Hanok DUb Remix right in the beginning of the Hanok resurrection, now Samcheongdong is a very crowded touristic attraction, zombie masses of photo tourist crawl all day around our house in reach of a kiwa to shoot or a frappuccino to sip.
The project is a house, for a family, with contemporary needs and a will to experiment.
forget about the car, the Gangnam apartment machines and the group decision of homeowners. We stripped the structure, kept the proportions and implanted new living cells that could make the house function.
We called it the DUB style because that is what you do in the Jamaican music* industry when you remix a classic tune, you strip it to the bond, leaving Bass and Drums, than you rearrange the melodies, adding modern echos and effects.
We added bathrooms, technology a metal kitchen, a roof garden a basement. We took the bamboo leaves color and made it the only new color, (white and wood and dark gray are the colors of the traditional house).
Dans quelle mesure la vie dans un Hanok a influencé votre vie ?
La maison est un espace que nous avons conçu en fonction de notre mode de vie tout comme notre bureau d’architecture à Jongno 5ga, situé au-dessus du marché Gwangjang.
Quand vous êtes assis devant un ordinateur toute la journée, chaque fois que vous levez les yeux, vous pouvez avoir soit un mur, soit une belle vue. Les Coréens sont tellement habitués à vivre dans des boîtes fermées qu’ils sous-estiment la valeur de l’espace comme point de vue et comme un vide agréable.
D’une certaine manière la Hanok, dans le passé, a été conçue autour de ce principe de vide, sans meubles ni portes. L’appartement contemporain est habituellement une accumulation de gâchis.
La qualité de l’espace vient de l’ordre et du vide, et non des choses qu’on y empile.
Bien sûr, nous aimons briser cette règle en mettant de la couleur et plein de choses qui vont en contradiction avec ces principes. Les règles sont faites pour être brisées, mais il est bon de les connaitre pour mieux juger les conséquences de leur transgression.
Puis le hanok évolue avec nous. Nous le domestiquons, c’est une sorte de work in progress. Son emplacement et sa disposition sont magiques pour toute la famille.
Nous plaisantons quand nous évoquons les touristes comme des zombies qui se promènent autour des Hanoks, mais ils sont vraiment représentatifs de l’effet épidémique de l’immobilier à Séoul: la plupart des gens sont endoctrinés pour investir dans des maisons qui vont ensuite générer des profits, mais ne s’interrogent jamais sur la qualité de vie ni sur le lieu de résidence. La plupart des consommateurs pensent qu’ils ont besoin d’un garage et d’être entouré d’une multitude d’appartements identiques pour faire un bon investissement. Il n’y a pas de vie à l’intérieur de ces choix, c’est simplement un paramètre mort. C’est pour ça que le week-end les zombies reviennent dans Samcheong dong pour se souvenir de ce qu’est la vie et rêver pouvoir revivre ici. (Ou tout simplement de vivre à nouveau)
Aujourd’hui, acheter un Hanok est devenu quasiment impossible, les prix sont surréalistes et seulement abordables pour des entreprises qui n’y habitent même pas (y a-t-il des gens derrière des sociétés ?), mais lorsque nous avons acheté notre maison, les prix étaient encore accessibles. Tout le monde nous disait que nous étions fous d’«investir» là-bas. Nous n’avons jamais eu l’intention « d’investir » mais de «vivre» contrairement à l’investissement des « morts vivants ».
Has living in Hanok influenced your life pattern?
The house is a space we designed, if you see our office in Jongno 5ga, above the Gwangjang market, you see that we design our stuff around the style of living.
So the life pattern is already the DUB pattern of traditional set and modern living.
Even if you are sitting in front of a computer all day, once you lift your eyes you could have a view or a wall. Koreans are so used to live in closed boxes (cubicles, compounds, bangs) that they underestimate the value of space as cone of view and as a beautiful void.
Somehow the Hanok in the past was designed around that void principle, no furniture, no doors (lifted) the contemporary apartment is usually a cluster of mess.
Space quality comes with order and emptiness, not with things we pile up.
Of course we like to break this rule too, and color or abundance will suddenly contradict the principles. Rules are made to be broken, but it is good to know about rules and to judge the consequences of braking them.
Bottom line, the hanok is changing with us, we domesticated it, it is a ongoing transformation, but its location and layout are very magical, for the whole family.
Zombies: We joke when we mention the touristic zombies walking around hanoks, but they are quite representative of the effect of the real estate epidemic of Seoul: most people are brainwashed to invest in houses just to generate bubble profit and they never ask themselves about the quality of life, where to LIVE. Most of consumer know they need a garage and a lot of similar boxy apartments around their cubicle to make their “investment’ right. There is no life inside those choices, It is a living-dead setting, so the zombie walk in Samcheongdong became a memory of life and a weekend dream to be able to live here again. (or simply to live again)
Nowadays to buy a Hanok is a crazy thing, the prices are surreal and only affordable for corporations that will not live there (are there any people behind corporations?), but when we bought our house it was still fine and everybody told us we were crazy to “invest” there. we never intended to “invest” we wanted to “live” unlike the investing walking dead.
Quels sont vos projets actuels ?
Nous travaillons actuellement sur un grand projet pour la ville de Séoul. C’est très gratifiant d’être invité à concevoir tout l’espace intérieur public pour le Seoul City Hall Plaza et Dongdaemun. Nous, un petit atelier (mais le meilleur bureau d’architecture italienne en Corée !) sommes invités à réfléchir et concevoir un espace pour 10 millions de citoyens dans le bâtiment controversé de l’Hôtel de Ville ainsi que le design intérieur pour le vaisseau spatial de Zaha Hadid qui a atterri dans Dongdae-Moon … Nous sommes honorés et en même temps, c’est un véritable défi.
Nous aimerions concevoir un bon jimjilbang (sauna), car beaucoup sont horribles. C’est pourtant un merveilleux espace. Au Japon, il y’a aussi de nombreux Onsen horrible, mais aussi quelques un très jolis. En Europe, les bains publics ont une architecture splendide … pourquoi pas ici? Ca pourrait attirer de nombreux de zombies photo-touristes!
What kind of project do you want to do, what project are you currently working on?
We are currently working on some large interface project for the city of Seoul, It is very rewarding to be asked to design all the interior public space for Seoul City Hall and for Dongdaemun Plaza. We, a small atelier (but, yes, the best italian architecture office in Korea!) are asked to think and design the space for 10 million citizens in the controversial City HAll building and the interior design for the Zaha Hadid Spaceship that landed in Dongdae-Moon…We are honored and challenged.
We would like to design a good Zzing zil Bang, since there are many horrible ones, and it is a wonderful space. In Japan also there are many Horrible Onsen, but also some nice ones. In Europe the Baths used to have stupendous architecture…why not here? they would attract so many tourist photo zombies!
Subsonica – Discolabirinto